Financement du réseau, tarification et impacts économiques19 juin 2015

Règles budgétaires : « Des compressions qui font mal au réseau des services de garde »

Montréal, 19 juin 2015 — L’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) dénonce les compressions de 74 millions $ dans le réseau des services de garde qui ont été confirmées aujourd’hui suite au dévoilement des règles budgétaires. Les efforts demandés au réseau des CPE et des bureaux coordonnateurs (BC) sont disproportionnés et s’ajoutent à des coupures de plus de 400 millions $ que le réseau a dû absorber depuis 2006. « Le gouvernement actuel nous a habitués à sa façon de faire, imposant des compressions paramétriques et refusant de prendre en compte les solutions constructives du milieu, des solutions qui viseraient la pérennité du réseau. Aujourd’hui, il nous confirme qu’il entend poursuivre en ce sens », déplore Mme Gina Gasparrini, présidente du conseil d’administration de l’AQCPE.L’AQCPE avait proposé au gouvernement un scénario alternatif qui aurait permis de favoriser l’accès aux installations existantes à un plus grand nombre d’enfants, tout en permettant des économies de fonctionnement équivalentes aux objectifs financiers poursuivis.

En effet, suivant la solution mise de l’avant par l’AQCPE, les CPE auraient pu accueillir d’un à trois enfants de plus que prévu au permis sans financement additionnel de l’État. Cela aurait été possible grâce à une optimisation du taux de présence en tenant compte du fait que chaque jour, des enfants sont absents, pour cause de maladie par exemple. Non seulement le gouvernement aurait ainsi pu atteindre une compression de 36,9 M$, mais cette solution aurait permis à près de  3 000 enfants de bénéficier immédiatement de services de garde éducatifs de qualité, et ce, en plus des 4 000 nouvelles places déjà annoncées par la ministre pour l’année 2015-2016. Il s’agit d’une solution simple, efficace et à coût nul. Qu’attend le gouvernement pour la mettre en place?

Un gouvernement qui choisit de favoriser les garderies commerciales

L’AQCPE se questionne sur la volonté du gouvernement de favoriser le développement de places dans les garderies privées non subventionnées. De fait, la nouvelle tarification en vigueur depuis le 22 avril dernier crée un avantage financier pour certains parents qui choisissent d’y envoyer leurs enfants. Or, le gouvernement y engouffre plus un demi-milliard de dollars en crédits d’impôt sans même leur imposer un encadrement ou processus de reddition de compte.

« Comment le gouvernement peut-il prioriser le développement des places dans les garderies commerciales non subventionnées au détriment du réseau subventionné tout en n’ayant aucune idée de ce qui s’y passe? », s’interroge Louis Senécal, président-directeur général de l’AQCPE. « Ce sont des enfants du Québec dont on parle, nous ne pouvons continuer à accepter que le gouvernement se lave les mains de ce qui se passe dans ces garderies dont le développement est strictement dicté par l’opportunité d’affaires. »

Le réseau à bout de souffle

Malgré des gestionnaires compétents et du personnel dédié, les compressions ne seront pas sans conséquence dans les CPE et les BC.

CPE Jardin D.A.M.I.S. de Rock Forest, en Estrie – Témoignage de la directrice générale, Johanne Levasseur:

« Nous avons beaucoup coupé au cours de la dernière année et nous gérons les horaires de façon très serrée.  Nous utilisons un outil pour chiffrer exactement ce que chaque activité coûte. Malgré cela, nous devrons revoir toutes les activités et probablement en couper quelques-unes. De plus, nous accueillons des enfants à besoins particuliers et nous devions notamment accueillir un enfant handicapé en septembre dont la condition nécessite qu’une éducatrice s’occupe de lui à plein temps. Malheureusement, en raison des coupures, il est fort probable que nous ne puissions finalement pas accueillir cet enfant. »

CPE/BC Lieu des Petits, à Montréal – Témoignage du directeur général, Robert Racine:

« Nous sommes un CPE situé en milieu défavorisé. Pour l’instant, on fait l’impossible pour conserver les services directs aux enfants, mais la marge de manœuvre devient de plus en plus limitée. Pour nous, le réseautage avec les acteurs de la communauté est essentiel, car ça permet de mieux soutenir les enfants ayant des besoins particuliers. Mais, par la force des choses, on va devoir s’isoler et on ne pourra plus maintenir nos relations avec les partenaires. Déjà, on a coupé le service d’orthophonie… »

CPE Les Petits Lutins, Côte-Saint-Paul – Témoignage de la directrice générale, Diane Larocque:

« À cause des compressions, on a dû abolir des postes de soutien aux groupes présentant des défis particuliers. On n’arrive tout simplement plus à respecter les recommandations émises par les professionnels. Si le développement des enfants est directement touché, c’est leur bonne intégration à l’école qui devient compromise. »

CPE Patro bouts d’choux, Québec – Témoignage de la directrice générale, Pascale Turenne:

« Jusqu’à maintenant, on a déjà dû couper dans les heures de préparation pédagogique et de rencontres avec les parents. Et l’année s’est terminée avec un déficit équivalant à la récupération! On n’a pas le choix de commencer à réfléchir à nos futures coupures : l’adjointe à la pédagogie ou la dernière rencontre de parents qu’il reste? C’est nos tout-petits qui en payent le prix. »

CPE Les P’tits soleils de Ste-Dorothée, Laval – Témoignage de la directrice générale, Sylvette Mousset:

« On a dû faire le choix de devenir végétariens pour économiser sur la viande et le poisson! Et c’est maintenant une aide-éducatrice plutôt qu’une éducatrice qui remplace durant les temps de pause. Du côté du matériel pédagogique, il a fallu couper l’équivalent de 15 000$. C’est simple, on ne peut pas faire davantage. »

« Bien que ce soit le moins pire des scénarios qui a été retenu, ces compressions feront mal au réseau. Alors qu’une récente étude de l’Agence de la santé de Montréal confirme que les CPE sont de loin supérieurs aux autres services de garde régis par l’État, le ministère choisit tout de même de continuer de couper dans ce secteur qui peine déjà à répondre au besoin de la petite enfance », a conclu M. Senécal.